Listen to Me, GERTRUDE STEIN

 

 

Bruxelles La Cambre.Theodore Boeremans

 

Théâtre de Cognac :

https://www.sudouest.fr/2012/01/09/les-sons-de-stein-599481-882.php

 

MIRANDA Revue pluridisciplinaire du monde anglophone / Emeline Jouve

https://journals.openedition.org/miranda/9482

 

 

 

Nothing to do, textes de Pascalle Monnier

 

 

EMMA MORIN, BERANGERE LEBÂCLE, DEUX ACTRICES HORS SERIE

par Jean-Pierre Thibaudat - Rue 89 - 22/02/2011

 

« Créer de la visibilité à ceux qui peuvent en manquer » écrit Jean-Marie Hordé le directeur du Théâtre de la Bastille. C'est le but de « Hors série » (troisième édition) : cinq représentations d'aventures en marge et en marche. Cela commence un lundi, le samedi c'est plié.
Economie de crise, de survie ? Comme d'autres lieux proposent ce genre de manifestations très éphémères, on assiste à l'affirmation d'un informel réseau parallèle, avec les alibis et le risque de ghetto que cela peut entraîner, un peu comme ces films qui ne sortent jamais en salle mais font la tournée des festivals.
Emma Morin était déjà venue à « Hors série » avec « Listen to me » un texte de Gertrude Stein. Elle y revient avec « Nothing to do », un montage de textes de Pascalle Monnier (auteur publiée chez POL et qui collabore à Vacarme) dont « Tim.Ben » qui n'est pas sans émettre des signes du côté de à Gertrude Stein. Une femme (mère, soeur, amante) demande à Tim s'il la trouve jolie cette fille, et cette maison il trouve qu'elle est jolie ? Et les questions du même acabit se succèdent qui n'appellent pas de réponse mais l'écoulement, le coulis presque, de leur dévidement, comme un filet d'eau auquel on s'est habitué et dont on craint le tarissement. D'ailleurs tout a commencé ainsi dans le noir, un bruit de robinet peut-être, ou de source, quelque chose qui tient d'une émergence. Et puis la lumière va et vient, comme le reste, dans un bougé de volumes, un tremblement du temps. Tout se déploie avec la guitare (Ryan Kernoa) , la voix du chanteur (Frédéric Jouanlong) et l'étonnant dispositif sonore que produit un ventilateur et des papiers. Emma Morin ne joue pas. Elle compose un spectacle et comme le peintre revient sur le motif, efface, retrace, creuse l'énigme...»

 

 

Nothing to do

Emma Morin

 

BEAU GESTE THÉÂTRE

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On était venu presque par hasard. Il n'y avait pas foule ce soir-là dans le petit Théâtre de la Bastille (Paris). Très peu de gens connaissent la comédienne et metteuse en scène Emma Morin. Comme tant d'autres artistes d'aujourd'hui, elle est une épisodique des plateaux. Une production laborieusement montée avec des bouts de ficelle ; deux ou trois dates grappillées ici et là ; quelques mois, parfois un an, entre chacune ; et puis, après, un long, très long effacement... Pourtant, dès le début de Nothing to do, on est harponné par la voix d'Emma Morin, aussi belle qu'un drapé. Deux musiciens à ses côtés, un travail de la lumière qui creuse plus qu'il ne remplit, des images sur un tulle, tels des ombres ou des souvenirs, et puis des questions. Des questions sans adresse, infiniment reprises (texte de Pascale Monnier), qu'Emma Morin semble tisser depuis la nuit des temps. La vie qui tremble et fait trembler. Les prochaines dates prévues ? Pas avant les 29 février et 1er mars 2012 à Nîmes.

 

Daniel Conrod Télérama n° 3196 - 16 avril 2011

 
Fonderie Emma Morin
Fonderie Emma Morin

Photo Isabelle Arthuis Fonderie


NOTHING TO DO / EMMA MORIN : UNE OMBRE DE SPECTACLE

Bruno Paternot le 2 mars 2012 · 

 

"Nothing to do" d’Emma Morin / Collage à partir de textes de Pascalle Monnier / Théâtre de Nîmes.

Le Théâtre de Nîmes programmait Mercredi 29 Février et Jeudi 1er Mars le dernier spectacle d’Emma Morin à l’Odéon, petit cinéma des années 50 reconverti en petit théâtre charmant où l’on est assis sur des chaises de jardin et où le plafond de l’entrée est à 1m90.

 

Si la direction du théâtre, depuis que la ville est passée UMP, a abandonné la création nîmoise qui en devient moribonde, c’est au profit d’une scène au minimum nationale qui voit défiler, notamment en danse, un panel d’artistes incroyables, connus et reconnus.

A l’entrée leur nouvelle campagne de pub qui dit : « Television manipulates the truth / Venez au théâtre! ». Le caractère tellement démagogique du slogan nous invite à penser que le service communication fait du second degré. Toujours est-il que pour le coup, ce syllogisme est totalement faux : Emma Morin manipule la vérité ! Les vérités. Tout le spectacle ne joue que sur ce glissement entre la possible vérité de ce qui a pu se passer et la vision de son personnage, une pauvre fille perdue. Cette femme, dont on se saura pas grand-chose apostrophe des personnages absents, des partis ? Des jamais rencontrés ? Des fantômes ? On ne les verra passer qu’à la fin du spectacle où une vidéo de passants est diffusée sur un tulle en avant-scène. Car une grande partie de l’esthétique du spectacle passe par ce tulle qui se dresse sur la totalité de l’avant-scène comme un écran de cinéma. Comme un nuage de fumée entre cette maison de campagne dont on parle et nous.

 

 

« Ca fait drôlement longtemps qu’on a pas entendu ces bruits-là » est l’une des phrases qu’Emma Morin a empruntées à Pascalle Monnier pour créer son spectacle. Car, contrairement aux spectacles d’une Jeanne Champagne où Annie Ernaux ou Marguerite Duras sont bien présentes, il s’agit bien plus ici du spectacle d’Emma Morin que de celui de Pascalle Monnier. Le spectacle est peuplé de sons et pas seulement des musiques interprétées en direct par Ryan Kernoa et Frédéric Jouanlong, mais de bruits d’eau qui coule, de sacs plastiques, de respirations et cela donne à la pièce un caractère soyeux et fragile, comme une vieille carte postale qu’on ne devrait pas froisser. Certains moments sont même profondément gâchés par les spectateurs, pourtant peu nombreux, qui toussent ou chuchotent en attendant qu’il se passe quelque chose, alors que tout le spectacle est en micro-actions, en petites attentions, en détails infimes, en ombres. Et il faut être un spectateur exigeant pour regarder les ombres dans un lieu noir.

« On paye, on entre, on regarde, voilà, c’est facile d’aller au cinéma » dit l’actrice au milieu du spectacle. C’est facile d’aller au théâtre, encore faut-il y aller avec l’envie d’y voir quelque chose. Au début et à la fin du spectacle, Morin créatrice se positionne au bord du plateau, devant les escaliers qui mènent aux loges. Et c’est bien la posture de ce spectacle : un peu décalé, presque au bord du plateau, l’air de rien.

Même si le texte est profondément anecdotique, un peu trop peut-être pour le porter sur une scène, ce spectacle évoque des images de bord de mer, des odeurs de tilleuls ou d’herbe mouillée, des impressions… Et c’est déjà beaucoup, être impressionné lorsque l’on va au théâtre…

 

 

"Nothing to do", d’Emma Morin, a été joué le 29 février et 1er mars 2012 à l’Odéon, Théâtre de Nîmes / Coproduction Théâtre de la Bastille, Théâtre de Nîmes, La Fonderie, La Centrifugeuse, Théâtre Garonne, Avec le soutien en résidence de La Fonderie au Mans, La Centrifugeuse / Université de Pau, Espaces Pluriels, Scène conventionnée danse-théâtre Pau et avec le soutien de La SPEDIDAM

 

« Nothing to Do » | © Antony Batista | Studio Tonimodio

 

 

 

L’oralité dans tous ses états : 

panorama de performances qui défroissent les oreilles

par Marie Plantin, Première.fr

 

Dans le triangle Beaubourg, Maison des Métallos, Théâtre de la Bastille, se jouent différentes formes de mise en avant de la parole : version slam, inventaire oulipien, cabaret, poésie sonore, les performances ne se ressemblent pas malgré un point commun : le Verbe haut.

Alors que sévit « l’Encyclopédie de la parole » à Beaubourg (un projet collectif mené par Joris Lacoste de recensement des diverses formes orales, se déclinant en séances d’écoute, installations sonores, pièces radiophoniques, conférences et performances, avec notamment le solo d’Emmanuelle Lafont, Parlement, inventaire parolier jubilatoire) et que la langue de Shakespeare nouvellement traduite percute la rythmique du slam à la Maison des Métallos (avec la reprise du spectacle Timon d’Athènes), le Théâtre de la Bastille présente sa troisième édition d’Hors-Série (jusqu’au 4 mars), collection de projets à la marge du spectacle vivant, qui donne cette année la part belle à la parole avec deux spectacles d’ouverture axés sur l’oralité.

Des projets radicalement différents dans leur approche scénique de l’écriture. D’abord, Nothing to do, une création d’Emma Morin d’après des textes contemporains de Pascalle Monnier. Un montage littéraire regroupant des écrits publiés dans la revue « Action poétique » ainsi que chez P.O.L. qui se déploie en une succession de questions sans réponses énoncées par la voix à la texture claire et veloutée de la comédienne enveloppée dans l’environnement musical du guitariste Ryan Kernoa et du chanteur Frédéric Jouanlong. La scénographie est composée de cadres de lumière qui se déplacent et délimitent l’espace de parole. Chevelure baudelairienne, corps félin,

féminin et musclé, Emma Morin impose en douceur une présence physique et vocale envoûtante. Sans psychologie aucune, elle nous donne à entendre une langue et dans le creux des questions naissent toutes sorte d’émotions fines et mouvantes. Ici, la coïncidence de la voix, du corps et de la musique live contribue à donner chair à un texte qui dans sa forme même, échappe. Il garde son mystère tout en gagnant une existence scénique qui le met en lumière sous un jour pluri-sensoriel. Comme un voyage en pays intérieur.

 

 

Festival Hors série nº 3  Théâtre de la Bastille à Paris

par Fabrice Chêne

 

Hors série : il y pleut des guitares…

 

Au Théâtre de la Bastille, en ce moment, les guitares – électriques ou non – tiennent le haut du pavé, et s’insèrent au cœur du dispositif théâtral. Et ce n’est pas fini, si l’on en juge par la programmation de mars. À l’affiche cette semaine, les deux premières créations du festival Hors série. Si la proposition d’Emma Morin séduit par sa poésie désespérée, celle du collectif Lumière d’août, par contre, déçoit plutôt.

 

 

Le festival Hors série est ouvert à des créations atypiques, en marge des genres prédéfinis. Deux pièces sont présentées cette semaine, et deux spectacles chorégraphiques leur succéderont la semaine prochaine. Dans la grande salle, il revient à Emma Morin d’ouvrir le bal. La comédienne et metteuse en scène poursuit la recherche esthétique ébauchée avec son précédent spectacle sur Gertrude Stein. Cette fois encore, elle a choisi de travailler à partir de textes non destinés au théâtre, en l’occurrence ceux de Pascalle Monnier.

 

Dans ces textes à l’écriture très dépouillée, aux accents parfois durassiens, une voix féminine questionne sans relâche, s’adressant à d’invisibles interlocuteurs qu’elle nomme par leur prénom : Tim, Ben, Lise, Élise, Paul… Nulle origine assignable à cette voix qui parle comme pour convoquer un monde qui n’est plus, pour évoquer le souvenir d’un été idéal, un jardin où le temps serait suspendu : « Tu te souviens quand on allait au cinéma, comme ça, pour un rien ? ». La répétition de ces questions à l’apparente banalité produit un effet hypnotique et vaguement angoissant, comme pour dire l’absence, la solitude, le manque, le vide.

 

Emma Morin est une artiste qui interroge les conditions matérielles de la représentation théâtrale, en particulier le rapport entre le son et l’image. La comédienne évolue dans un espace nu ou presque. Des carrés de lumière découpent l’espace du plateau (beau travail de Laurent Bénard), qu’elle partage avec deux musiciens. L’intérêt principal de la pièce réside dans le dialogue qui s’instaure entre la voix et la guitare de Ryan Kernoa. Celui-ci multiplie les effets (séquenceur…) pour envelopper la comédienne dans des vagues sonores qui, sans avoir rien d’illustratif, semblent elles-mêmes évoquer les réminiscences d’une musique disparue.

 

 

L’autre musicien, Frédéric Jouanlong, bruiteur et chanteur, oppose à Emma Morin un contrepoint à la fois plus inquiétant et plus violent, qui certes apporte une dimension au projet, mais que l’on peut aussi trouver trop agressif au moment où l’intensité sonore augmente. Pas d’autre fausse note dans ce spectacle, sinon peut-être les sacs en plastique chassés par le gros ventilateur, qu’on a l’impression d’avoir déjà vus cent fois.

 

 

 

 

 

 

Photo Pau/David Cruchet

 

 

Montage de textes de Pascalle Monnier, conception et jeu de Emma Morin accompagnés du musicien Ryan Kernoa et du chanteur Frédéric Jouanlong. Le vaste plateau du Théâtre de Bastille est dénudé. A droite, un micro dans lequel vient parfois susurrer un homme, musicien dégingandé à l'élégant costume, qui entre et sort, apparaît, disparaît. Quelques chaises et un banc forment le décor matériel d'un long monologue souligné, interrompu et magnifié par la bande originale de Ryan Kernoa et Frédéric Jouanlong. Guitare, human beat box de murmures, boucles de chuchotements, la salle est transportée dans un vertige post-rock. L'immatériel décor de "Nothing to do", c'est la lumière de Laurent Bénard, mouvante, fuyante et saisissante. Verticale, elle traverse la scène de part en part, créant une obscurité paradoxale, entre brume, clarté et nuit noire. Elle tombe en carrés, s'étend en rectangles, s'efface au profit du sonore, laissant la salle aux seules perceptions auditives. C'est elle qui fait vivre ou éteint la masse un peu folle des cheveux roux d'Emma Morin, point lumineux rougeoyant, tâche incandescente, seul point coloré qu'une atmosphère noire rend encore plus visible. Un balais de sacs plastiques blancs mus par un ventilateur et c'est la grâce : ils volent, s'entrechoquent dans un doux chuintement familier, méduses aériennes aux lenteurs de nuages. "Nothing to do" est son et texte de Pascalle Monnier. C'est aussi une interprétation, virtuose, haletante. Emma Morin pose des questions à différents personnages qui jamais ne répondent. Elle les harcèle, cherchant à savoir, à savoir tout et rien Elle veut connaître les menus détails de leurs goûts, aborde les sujets existentiels sans pudeur, passe des projets au passé. Tour à tour inquisitrice, amicale, farfelue ou normative, on la découvre par ses questions. Elle se livre dans cette volonté de comprendre à la limite de l'invasion, de la conquête, se voit dans cette tension cannibale vers l'autre. Ce personnage est trajectoire, contour et "Nothing to do" est une pièce - de théâtre et de musique - expérimentale, une expérience sensorielle toute en paradoxe, déstabilisante. Emma Morin nous donne à voir un spectacle jouissivement étrange qu'un public curieux et ouvert ne manquera pas de saluer.                                                                        

Amandine Agic

 

 

 

 

 

 

 

Toute la culture - 22 février 2011

par Amelie Blaustein Niddam

 

« Et cette maison, Tim, tu la trouves jolie? Ces volets verts, c’est beau non? Et cette fille, Tim? Tu la trouves jolie? Ça te plairait d’habiter dans la maison avec cette fille? Tu avais déjà vu une aussi jolie fille, Tim? Dans le cadre de son Hors-Série, le théâtre de la Bastille présente « Nothing to do » , un spectacle d’Emma Morin sur un texte de Pascalle Monnier.

Cela commence par une pénombre, on entend une guitare électrique qui s’installe, on devine un homme qui bouge, une femme qui s’avance. Au moment où le noir se fait clair-obscur, la lumière s’éteint totalement pour laisser place à la voix d’Emma Morin. C’est sans la voir que nous l’écoutons poser ses questions à Ben, Tim et Paul.

Nothing to do est une proposition sur l’espace et la distance. Le public est séparé des comédiens par un rideau rigide transparent. A l’image d’un film en noir et blanc ou d’un écran filmé à travers un autre écran, la vision est brouillée. Emma Morin est dans un temps obsessionnel , elle questionne sans relâche des personnes qui ne sont pas là. Elle s’installe dans la durée provoquant une gêne. Lancinante, la très belle  guitare de Ryan Kernoa vient répondre à ses interrogations dans un rythme lent, jusqu’au moment où un second personnage viendra gueuler et faire s’envoler des éléments de décors, comme pour la faire taire.

 

« Nothing to do » est une performance qui ne peut laisser indifférent où,  si l’on accepte de se laisser emmener, on entre dans la douce folie de cette femme et l’on se prend à imaginer des ballades venteuses à la campagne, à l’image de sa veste qui danse. Il n’y a pas de réelle histoire dans ce spectacle, juste une émotion et des questions sur la relation à l’autre, l’espace et le temps.

 

 

 

 

La femme tondue   ANTON PRINNER

 

Presse Théâtre de Nîmes : 

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A LA SALLE DES MEULES QUAND DES CHEMIN2ES SAUTILLENT, QUAND DES DOIGTS PERCENT LES MURS

 

par Yves Ughes

 

 


Au début le Verbe n’est pas. Les mots sont nichés dans les marges d’un silence qui dure, interroge et perturbe.
Ils explosent enfin, comme autant de déflagrations Salope Putain Charogne.
Nouveau silence, puis Fumier Dégueulasse Ordure


Où va - t - on ? On se trouve - t - on ? L’occupation de la scène offre des repères comme autant d’éléments de recomposition.
Une table occupée par deux hommes. La table n’est pas –n’est plus ? - le lieu du partage. Elle est espace de pouvoirs, de paroles, d’invectives, de règlement de comptes. Hors d’elle, en marge, une présence féminine prise dans l’inacceptable silence.


La hargne se déverse. La bave tombant de ces mentons qui tremblent de haine balise le chemin qui mène au coeur de notre époque. Femme Tondue, Exclu, Etranger, qu’importe le support, le tout est de nourrir l’ivresse de la haine. Le message va au-delà du politique, il s’ouvre sur la métaphysique, l’ontologique.


Au coeur de notre condition humaine, ce mystère d’exister en détruisant l’autre, en le mutilant, en jouant avec ses cheveux, son corps. Tout se passe comme si l’être ne pouvait s’aimer et, partant, ressentait l’irrépressible besoin de se vider, en cultivant son goût du lynchage, la permanente tentation de la lapidation. Ne s’imposent que le
saccage, le sauvage ; l’exigence monte, psalmodiée : du sang, du sang… C’est le massacre des charognes.


La femme tondue porte en elle et sur scène la série macabre des corps dé-mantelés : sorcières, traîtresse, prophète aussi : elle seule utilise le futur de l’indicatif. Et le futur toujours dérange. A éliminer donc. Que tous les pécheurs jettent leur pierre.

 

Le texte s’avère dense et fait écho à nombre de mots et d’images. On pourrait y croiser le Pier Paolo Pasolini des 120 Jours de Somode et Gomorrhe ou encore les Evangiles. Après le procès final, le cataclysme intervient, comme le ciel se déchire après la mort du Christ.

 

Sauf qu’ici, Dieu n’est plus. S’il a été un jour son action s’avère calamiteuse, sorti de tripes égoïstes, l’homme porte en lui toutes les formes de la destruction.

 

Ne vous attendez pas à identifier des personnages typifiés. Les contours et les repères sont gommés. Seules se superposent des inflexions diverses, des intonations variées. Ce qui revient à souligner l’excellence de la mise en scène et le travail d’interprétation. Est exclu tout soupçon de complaisance. Le verbe et le geste sont taillés à l’os, dans l’épure et l’intensité.


Dans l’instant final la femme tondue incarne ainsi une volonté infinitésimale d’être, par un déploiement millimétrique de son corps.


Car dans le cataclysme une trace d’humanité demeure et elle se place dans la parole humaine. L’oeuvre multiplie ainsi les voix pour créer un véritable poème polyphonique : ici, un chant baroque des cheminées sautillent, des doigts percent les murs et les portes pour maudire Dieu et les morts, plus loin la voix éructe, plus loin encore
elle se défait dans l’effort de dire, ou s’étouffe en sanglots.


Egalement touchée par le désastre du vivre, la langue devient ainsi sursaut de vie, preuve de vitalité, désir de partage.


La preuve est faîte: un texte peut être marqué par la noirceur, il n’est en pas moins un message d’espoir puisque, par-delà les misères de notre condition, il demeure un appel, il suscite la rencontre et, finalement, révèle en nous
une part d’humanité trop souvent insoupçonnée, enfouie.